Habiter une maison rurale est un privilège rare. Ces habitations sont la mémoire d’un vécu qu’aucune maison contemporaine ne peut apporter. Elles sont le fruit d’une expérience que l’on appelait, il y a peu de temps encore, « le bon sens paysan ». Loin des modes et des stéréotypes, ce bâti est né de son environnement, l’a subi et s’est adapté à lui. L’homme n’a fait que le modeler et le réfléchir pour son usage et pour son confort.
Ici les murs sont de pierres, de sable et de chaux. Les premières viennent des champs environnants. Elles n’ont été que peu transportées. Peu sont même de la colline d’en face. Le sable lui non plus ne venait pas de loin. La trace des carrières est encore visible au dessus du quartier St Jean. Les encadrements des ouvertures sont faits de molasse. Il est probable que la chaux fut produite localement. Ce n’est, après tout, que du calcaire cuit. Elle est peu dosée, les pierres sont récupérables et recyclables à l’infini. Le sable n’était pas pur et les quelques façades anciennes restées enduites n’ont jamais eu l’uniformité des revêtements modernes. Avec la pluie, le vent, elles ont acquis une patine. Ici les angles ne sont pas aiguisés, les verticales et les lignes sont imparfaites. Les murs ont les couleurs, les formes du paysage. Ils se fondent avec lui.
Construire une habitation ne fut jamais un acte anodin. Jadis, les contraintes climatiques et de l’environnement proche passaient bien au-delà des contraintes administratives. Celles-ci devaient pourtant exister. En période de paix et de sécurité relative, à l’époque romaine ou après la Renaissance, le lieu était choisi d’après l’environnement, d’après les ressources. Beaucoup de maisons sont orientées au sud. Autichamp et bien des fermes furent bâties en fonction des sources et des terres.
Toutefois, cela n’était pas suffisant. L’habitation devait aussi répondre aux besoins et au maître mot : le confort. Que ce soit dans le village ou à l’extérieur, elle remplissait toutes les fonctions. On travaillait ici. Au rez-de-chaussée, la plupart du temps, l’usage était disons, « professionnel ». Les pièces du bas servaient d’espace de stockage, d’atelier, d’abri pour les animaux, voire de commerce. L’habitation se situait au premier étage. C’est d’ailleurs là que réside l’atout majeur de ce type d’habitation.
Une maison rurale vit, et surtout respire, avec son environnement. Les abords jouent un rôle majeur. Souvent un arbre ou une treille amène l’ombre en été et laisse passer le soleil en hiver. Le pourtour des murs est un subtil compromis entre évaporation et drainage. Les plantations complètent souvent ce dernier. On trouve des rosiers, des iris, des lavandes et parfois de petits fruitiers palissés. On est bien loin des terrasses bétonnées des lotissements périurbains.
Le rez-de-chaussée est souvent en terre battue. Bien que ce soit rare, il est parfois habité. Autrefois seules des pierres étaient posées à même cette terre. Plus tard ce furent des terres cuites sur un mortier à la chaux très maigre. Si ce sol ne respire pas c’est tout l’équilibre hygrométrique de la maison qui est perturbé. Par capillarité, l’humidité remonte dans les murs. Ils servent de mèche. Aujourd’hui, encore si ce sol n’est pas sur un hérisson ventilé et drainé, s’il ne respire pas, la maison n’est pas saine et la sensation n’en est que plus désagréable.
Ici, il y a toujours eu peu d’élevage, l’étable n’était pas là pour chauffer le premier étage. Les rez-de-chaussée sont donc souvent voutés. Cette masse, alliée au drainage, n’en apporte que plus de qualité à la partie habitable. Les murs, de par leur épaisseur et par leur construction, ont toutes les qualités requises. Loin d’être compacts, ils respirent et isolent à la fois. Vouloir les isoler plus est guère utile. Ils peuvent être enduits. Un mortier chaux-chanvre aura d’excellentes propriétés, même sur le plan acoustique. Les couleurs chaudes et naturelles des enduits patinés ne feront qu’ajouter à cette sensation de bien-être.
Ces murs ont une inertie. Si elle est utilisée correctement la maison reste fraîche en été et chaude en hiver. C’est pourquoi vivre ici est un choix. Une telle maison ne correspond pas aux rythmes brutaux qui sont imposés à beaucoup. L’inertie n’est plus au goût du jour.
Certains jugeront ces bâtisses peu lumineuses. Les ouvertures en effet sont petites et calculées au plus juste. Non standardisées, elles apportent la lumière, la sécurité. Elles sont construites d’après l’orientation et pour la solidité du bâti. Ainsi à cause du vent et du manque de soleil, au nord, elles sont souvent petites et rares. Il y a d’ailleurs souvent un appentis ou un hangar accolé à ce mur. Il ne doit pas être abattu.
Les fenêtres sont bien sûr en chêne. Aujourd’hui, les techniques du double vitrage peuvent leur apporter pratiquement le même coefficient thermique que les murs. Loin de dénaturer, avec de petit bois rapportés, elles peuvent avoir l’aspect des anciennes menuiseries comme sur cette photo.
En été d’épais volets entrouverts apporteront ombre et fraicheur, en hiver ils protégeront du froid. Encore faut-il avoir le courage de les fermer.
Ceux qui réalisent de grandes baies vitrées se rendent vite compte, dés le premier hiver, de leur erreur.
Il existe des fenêtres de toit avec un montant central qui rappelle les anciennes tabatières. De tels puits de lumière sont souvent une solution intéressante.
Autrefois les greniers n’étaient pas habités, d’après Yves Esquieu, professeur spécialiste de l’habitat ancien, ceux-ci n’avaient, pas d’usage spécifique, c’était souvent un débarras. Les éléments de confort basique étant d’être protégé de la pluie et de ne pas être enfumé. On peut imaginer que le toit n’était là que pour servir d’abri et de ventilation. Aujourd’hui, bien évidement, on en attend bien plus.
Point faible des habitations anciennes la toiture doit être l’objet de toutes les attentions. Son isolation (surtout si les combles sont habités) doit être faite avec le plus grand soin. Plus que jamais, il est préférable de choisir les matériaux le plus naturel possible et nécessitant le moins d’énergie grise (énergie dépensée tout au long du cycle de vie : fabrication, transport, recyclage, etc…).
Nous ne pouvions que faire l’éloge de cet habitat. Ceux qui l’ont choisi l’assument. Cet habitat, si on le vit, si on l’utilise tel qu’il doit l’être, a d’immenses qualités. On pourrait les qualifieraient de "bio-climatiques". Elles ne sont que le fruit de l’expérience et de la réflexion de nos parents.
Ecologiquement, on ne peut faire mieux. Souvent chauffé au bois, construit avec les matériaux d’ici, s’il n’a pas été bétonné à outrance, il est recyclable à l’infini. Quant à son usage ou a sa rénovation, il ne revient pas plus cher qu’une maison dite « traditionnelle » moderne et moins qu’une maison aux dernières normes et techniques isolationnistes (qui n’en sont pas moins, par ailleurs, respectables).
La maison paysanne telle qu’elle était, est devenue rare. C’est dommage car quelle qu’elle soit une habitation récente n’aura jamais le charme et le vécu d’une telle habitation. Tout simplement sans doute, parce qu’elle se fondra jamais aussi bien avec son environnement. Elle est le plus ancien et le plus durable des bâtis écologiques.
A quelques centaines de mètres du village, sur les bâtiments agricoles du Domaine Lattard ont été installés 820 m2 de panneaux solaires, pour une puissance de 118 KW crête.
Après plus d’un an de fonctionnement, il est aujourd’hui possible d’effectuer un premier bilan. La production durant la première année a été de 128 700 kWh, soit près de 10 % de plus que la production initialement espérée. 37 900 kWh ont été produits durant le solstice d’hiver et 90 800 durant celui d’été.
Si l’on compare avec les chiffres de la demande française en électricité de RTE, la production a parfaitement coïncidé avec celle-ci durant l’été. Elle a été un complément relativement prévisible et gérable durant l’hiver.
Le bilan est donc positif d’autant qu’aucune surface agricole n’a été utilisée et que cette installation n’a ni défiguré les toitures du village, ni le paysage. Elle est en parfaite adéquation avec l’éthique de ce domaine dont la production vinicole est issue de l’agriculture biologique.
A l’heure des débats sur la transition énergétique, le bois est considéré comme une énergie renouvelable. Comment peut-il l’être si les forêts ne sont pas exploitées de façon pérenne ? Si une coupe à blanc peut apporter une entrée d’argent immédiate, sur le long terme, elle s’avère être un énorme gaspillage à tout point de vue.
La hauteur et l’âge
La première raison est tout simplement d’ordre physiologique : un arbre de 70 ans représentera un volume de bois nettement supérieur par apport à deux arbres de 35 ans, tout en occupant une surface moindre.
Durant sa vie un gros arbre aura essaimé et aura permis une régénération par des francs pieds plus viable et de meilleure qualité. La sélection naturelle aura opéré. Les différents étages générationnels renforceront la stabilité de la forêt.
Pour un arbre, la résistance mécanique et la durabilité se bonifiant avec le temps : l’exploitation de bois d’œuvre devient envisageable. Les gros bois jusqu'à 60-70cm de diamètre se vendent bien. Au-delà, ils ne correspondent que rarement aux capacités des machines. Les très vieux arbres peuvent dépérir à partir du système racinaire d’où leur instabilité. On peut toutefois conserver quelques éléments remarquables implantés favorablement, ne serait-ce que pour l’esthétique.
Jouer au banquier
La seconde raison est une évidence mathématique. Une personne effectuant une coupe à blanc devra attendre 50 ans pour retrouver un capital équivalent. Autrement dit, elle ne laissera pas grand-chose à ses descendants. Lors d’une coupe raisonnée, avec des conditions favorables, le prélèvement peut être de l’ordre de 20% tous les 5 ans. Le calcul est donc rapidement fait. Au bout de 50 ans, cela représente tout simplement le double de volume.
Entre temps le prix du bois aura augmenté, les coupes faites de manières réfléchies auront amélioré le peuplement et la personne n’aura à aucun moment perdu son capital. Elle n’aura, en quelque sorte, prélevé que les intérêts.
Favoriser la biodiversité
Supprimer brutalement l’habitat de centaines d’organismes et d’êtres vivants ne peut que nuire au développement de la biodiversité. D’une manière générale, le biotope mettra des années avant de se reconstituer. Dans notre région, dans un premier temps, les terres seront souvent brulées par le soleil ou ravinées.
La régénération issue des rejets de souches n’est plus viable au bout de deux ou trois rotations. Elle est devancée par les ronces, le buis ou les genêts et ne peut reprendre le dessus. Les rotations trop courtes épuisent les sols. L’uniformité générationnelle ne permet guère la diversité des essences et la biodiversité en général.
Un expert : le bucheron
Connaitre les essences semble être la base. La coupe faite par l’association Dryade dans la montée de Divajeu a révélé que nos forêts pouvaient receler de véritables trésors. Ainsi des arbres tels l’alisier torminal sont bel et bien présents. C’est là une essence précieuse utilisée en marqueterie, en lutherie ou pour la fabrication d’éléments de précision.
Un bûcheron attentif fait souvent un pré-marquage mais il prend sa décision au dernier moment. En dehors des contraintes économiques, ses choix peuvent être guidés par de multiples raisons. Il pourra, par exemple, laisser en place les fûts les plus beaux (voir les améliorer par un élagage soigné). Il identifiera les apports de lumière que sa coupe engendrera, favorisant ainsi certaines pousses. Les éclaircies permettront de mieux répartir le peuplement voir de l’assainir.
Durant la coupe, les souches sont laissées au plus bas. Le feuillage et les petites branches sont laissés au sol. Ils constitueront un apport minéral et organique indispensable. L’élimination du buis lors d’un premier passage, peut aller en ce sens. Les rémanents ne sont pas mis en tas ou brulés.
Un débardage prudent
Après avoir vaguement regroupé les rondins, l’association Dryade a utiliser une brouette à chenille pour évacuer le bois. L’expérience s’est révélée intéressante. Au bout de trois mois toutes traces avaient disparu. Un cheval de trait sera certainement expérimenté lors d’une prochaine coupe. Cette technique est encore largement employée dans les pays scandinaves.
Compte tenu des dégâts, les moyens et les modes d’exploitation doivent être à l’échelle de la forêt. Les gros engins doivent être employés avec parcimonie. Leur action traumatisante pour le milieu naturel est mal perçue par la population. Il en est de même pour les coupes rases exagérées.
Vers une reconnaissance
Le métier de bûcheron n’est malheureusement pas assez valorisé. Le prix des stères est pour l’instant trop faible pour que les marchands puissent envisager des coupes jardinées et l’emploi d’une main d’œuvre vraiment qualifiée. Le discours était le même il y a quelques années avec l’agriculture biologique mais, aujourd’hui, les choses changent.
La forêt n’est pas seulement un formidable réservoir de CO2. A Autichamp, elle est une ressource en énergie indispensable et surtout la garante de la qualité d’une partie de notre eau potable. Elle abrite une biodiversité remarquable. Pour beaucoup, elle est un espace de loisirs et constitue notre patrimoine paysager.
En ces périodes de sécheresse sur un sol relativement pauvre, la forêt autichampoise risque d’être prise de court si elle est exploitée à un rythme et avec un mode dévalorisant.
Pour le propriétaire, elle est l’image de lui même. Elle est le reflet de ses ambitions, de la considération qu’il porte à sa terre, du respect de son prochain.